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IA générative et droit d’auteur : enjeux, risques et protections pour les artistes


Illustration en format paysage représentant l’opposition entre un artiste humain et une intelligence artificielle. À gauche, un robot au design technologique observe un tableau en cours de création. À droite, un homme concentré tient un pinceau, en train de peindre un paysage de montagne. L’image symbolise la tension entre création humaine et génération automatisée, dans le contexte du débat autour de l’IA générative et du droit d’auteur. Un visuel fort pour illustrer les enjeux artistiques, éthiques et juridiques de l’intelligence artificielle.

L’intelligence artificielle générative est sur toutes les lèvres. Ces outils capables de produire images, textes ou musique bluffent par leur créativité... mais soulèvent aussi de véritables tempêtes éthiques et juridiques. Car derrière la magie des prompts, c’est parfois le fruit du travail de milliers d’artistes qui est utilisé sans consentement. Alors, l’IA générative est-elle un nouvel eldorado créatif, ou un véritable Far West numérique où le droit d’auteur fait les frais de l’innovation ? On fait le point.


Comment fonctionne l’intelligence artificielle générative ?


Les IA génératives comme DALL·E, Stable Diffusion ou Midjourney sont entraînées à partir d’immenses volumes de données disponibles en ligne. Pour "comprendre" le langage visuel ou textuel, ces modèles analysent des milliards d’images, de textes ou de sons... dont une grande partie provient d’œuvres protégées par le droit d’auteur.


Prenons l’exemple de LAION-5B, une base de données contenant plus de 5 milliards d’images. On y retrouve de tout : photos d’archives, illustrations d’artistes, visuels de sites web… Ces données sont ensuite utilisées pour entraîner l’IA à reconnaître des styles, reproduire des compositions, et générer des contenus inédits sur commande.

Cette méthode d’apprentissage pose un défi au droit d’auteur. Les artistes constatent que les IA peuvent imiter leurs styles avec une fidélité troublante. Parfois, les images générées contiennent même des fragments reconnaissables d’œuvres existantes, voire des signatures d’artistes réels, signe que le modèle a mémorisé des éléments précis.


On peut se poser cette question fondamentale : peut-on absorber des œuvres existantes pour "inspirer" une machine, sans l’accord des créateurs ?


Œuvres protégées et utilisation sans consentement : la controverse


De nombreux artistes ont découvert que leurs œuvres avaient été utilisées pour entraîner des IA… sans qu’ils en soient informés. Pas de contrat, pas de rémunération, pas même un petit merci.

Aujourd’hui, n’importe qui peut générer une image “dans le style de Monet, Pixar ou Hayao Miyazaki” – en quelques clics. Et parfois, l’image générée contient des fragments reconnaissables, voire une signature copiée.


Les conséquences :

  • Perte de revenus potentiels

  • Plagiat numérique

  • Dilution du style artistique

  • Vol d’identité créative


Pas étonnant que des actions en justice se multiplient : Getty Images contre Stability AI, ou encore des class actions d’artistes contre Midjourney. Des recours collectifs ont été lancés. Sur le plan éthique, beaucoup dénoncent une exploitation des artistes sans compensation. D’autres comparent ce processus à l’apprentissage humain, nourri par les influences. Le débat est vif, et certains chercheurs ont développé des outils techniques pour défendre les droits des créateurs.



Glaze et Nightshade : la riposte des artistes à l’IA générative


Heureusement, la contre-attaque s’organise. Deux outils créés par l’Université de Chicago font parler d’eux : Glaze et Nightshade. Leur mission : brouiller les cartes de l’IA.


Glaze : brouiller le style artistique, protéger la patte

Glaze agit comme un camouflage. Avant publication, une image peut être modifiée de façon imperceptible pour l’humain, mais trompeuse pour l’IA. Elle détecte un autre style que celui de l’artiste. Cela empêche le modèle de reproduire fidèlement la "patte" de l’auteur.


Glaze analyse comment une IA reconnaît un style, puis altère les pixels pour déformer cette perception. Ce n’est pas un filigrane, mais un vrai brouillage invisible.


Nightshade : l’arme fatale du data poisoning

Nightshade va plus loin : il injecte des erreurs volontaires dans les images. C’est une technique de data poisoning. Par exemple, en empoisonnant des images de chiens pour qu’elles ressemblent à des chats, le modèle finit par confondre les deux.

Ces perturbations se propagent dans le modèle et altèrent sa compréhension des concepts.

Le but : saboter l’apprentissage du modèle.

L’idée est de rendre les modèles moins fiables ou de les dissuader d’ingérer des œuvres sans autorisation. Mais leur efficacité dépend du nombre d’images modifiées. Et une escalade entre IA et défenses pourrait nuire à l’ensemble de l’écosystème.


Mais ces techniques restent fragiles :

  • Leur impact dépend du volume d’images modifiées.

  • Certaines IA pourraient apprendre à les contourner.

  • Et sur le plan éthique, le débat reste ouvert… ces parades sont-elles vraiment souhaitables ? Ne risquent-elles pas de nuire aussi à des usages légitimes ?


Légal ou illégal ? Un flou juridique mondial


Le droit n’a pas (encore) tranché.


La France, elle, réfléchit à des mécanismes plus protecteurs. Mais aujourd’hui, les artistes doivent eux-mêmes se défendre. Un comble. Sur le plan juridique, la question de fond reste celle de la légalité de l’entraînement sur des œuvres sans consentement.


  • Aux États-Unis, les géants de l’IA invoquent le fair use : l’usage équitable des données à des fins d’apprentissage.


  • En Europe, la directive sur le droit d’auteur prévoit un opt-out pour les créateurs, mais encore faut-il savoir que ses œuvres sont utilisées…



Les entreprises d’IA : entre compromis et contrôle


Certaines entreprises, comme OpenAI ou Stability AI proposent des mécanismes d’opt-out pour ne plus inclure certaines images dans les futurs entraînements. Bonne nouvelle ? Pas vraiment. Ces options sont souvent techniques, opaques, et… ne s’appliquent pas aux données déjà digérées par l’IA.

D'autres plateformes comme Shutterstock ont préféré signer des accords avec OpenAI, instaurant une forme de rémunération pour les contributeurs. Mais pour l’instant, ces initiatives restent marginales.


Vers un nouvel équilibre entre IA et création ?


Nous sommes à un tournant. L’essor de l’intelligence artificielle générative est irréversible. Mais elle ne peut pas continuer à se nourrir des œuvres humaines sans cadre, sans respect, sans partage.

Demain, il faudra bâtir un nouveau contrat social entre créateurs et machines :

  • Transparence sur les données utilisées

  • Consentement des artistes

  • Rétribution juste

  • Lois adaptées à l’ère numérique


Et si l’IA devenait une alliée éthique de la création, plutôt qu’un ogre glouton de données ?

Découvrez notre article sur l'IA éthique juste ici : IA Éthique : ISO 42001



Sources :

  • LAION-5B Dataset

  • Getty Images v. Stability AI, plainte déposée aux USA

  • Glaze Project, University of Chicago

  • Ben Zhao, Professeur d’informatique, University of Chicago

  • Spawning / HaveIBeenTrained.com

  • OpenAI Media Manager (2023)

  • Procès collectifs d’artistes aux États-Unis

  • Loi française sur le droit d’opposition à l’entraînement

  • Analyses d’Ed Newton-Rex (Fairly Trained)

  • Rapports sur les modèles de diffusion (Stable Diffusion, Midjourney, etc.)

  • Time Magazine - Meilleures inventions 2023

  • Publications de Stability AI et OpenAI sur la collecte et l’entraînement


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